LA RUDESSE DE L'HIVER
Nous avons traversé la Bulgarie dans le cadre d’un plus long voyage : une marche à travers l’Europe via 16 pays. Entre 2018 et 2020, nous avons marché 10000 km du Portugal jusqu’en Turquie pendant deux ans. C’est le projet Deux Pas Vers l’Autre. Découvrez l’ensemble du projet ici.
La Bulgarie, c’est un des pays qu’on aime citer en exemple pour illustrer à quel point on connaît mal notre continent.
Quelles images de la Bulgarie avez-vous en tête ?
Pour être honnête, nous n’en avions pas.
Nous avons découvert un pays couvert de montagnes, avec une gastronomie riche et variée et des gens au tempérament globalement… rustique mais toujours au grand cœur !

Infos clés de notre randonnée en Bulgarie en hiver
- Pays : Bulgarie
- Type d’itinéraire : Ligne droite
- Difficulté : Difficile
- Langue : Bulgare
- Période : Automne/Hiver - novembre à janvier
- Durée : 3 mois
- Distance : 1053 km
- Point de départ : Kulata, frontière grecque
- Point d’arrivée : Lesovo, frontière turque
- Dénivelé positif : 32 390 m
- Dénivelé négatif : 32230 m
- Equipement : la liste de notre matériel
Trace GPX : traversée de Pirin, Rila et Vitosha
Trace GPX : Traversée du Kom Emine ( oui oui... En hiver ! )
Randonnée et aventure en Bulgarie
Sentier de longue distance : le Kom Emine
Fin décembre et début janvier, nous nous trouvions sur les hauteurs de la chaîne de montagne du Grand Balkan.
C’est elle qui a donné son nom aux Balkans. Dans les diverses langues slaves, on l’appelle aussi Stara Planina, “la vieille montagne”.
Elle coupe littéralement la Bulgarie en deux puisqu’elle va de la frontière serbe jusqu’à la Mer Noire. Ce mur d’ouest en est constitue une véritable barrière pour les vents glaciaux venus du nord. Pour cette raison, il y a une vraie différence de climat entre le nord et le sud du pays.
C’est aussi ce qui rend ces montagnes dangereuses. En hiver, le vent peut être redoutable et la météo peut changer très rapidement.
Sur les crêtes, serpente un ancien sentier de longue distance.
Le Kom Emine démarre au Mont Kom pour terminer au Cap Emine.
Le sentier européen E3 emprunte le Kom Emine sur presque toute sa section bulgare.
Le point culminant du sentier est le pic Botev (2376 m), qui est également le plus haut sommet du Grand Balkan. C’est sans doute le sentier le plus célèbre de Bulgarie, il est donc bien entretenu et le marquage est facile à suivre, en été comme en hiver.
La maintenance du Kom Emine est un nouveau signe de l’amour de la montagne des Bulgares et de leur souhait de la rendre accessible au plus grand nombre sans la dénaturer pour autant.
Nous n’avons pas parcouru intégralement le Kom Emine, nous l’avons rejoint un peu après le mont Kom et nous avons décidé de piquer au sud avant d’atteindre la mer Noire afin de découvrir aussi une autre Bulgarie, plus rurale.
Etat des sentiers et culture de la marche en Bulgarie
Nous voilà dans un pays avec une réelle culture de la montagne.
Parc nationaux, refuges de montagne, sentiers balisés, on sent que les Bulgares ont ce goût pour le grand air et on a retrouvé une ambiance très alpine dans ces belles montagnes.
Sur le Kom Emine, des refuges, quasiment tous ouverts en hiver, rythment les sections et permettent d’arpenter ces montagnes sans avoir besoin de camper.
Vous nous connaissez, on a quand même passé quelques nuits dehors !
Mais c’était un vrai soulagement d’avoir le choix chaque jour et c’est chouette de voir que ces activités sont rendues accessibles à différents profils, dont ceux qui ne souhaitent pas camper et porter un sac plus léger.
Parmi les gardiens de refuge, on a trouvé un peu de tout.
L’immense majorité ne parlait pas anglais. Comme partout, pour beaucoup c’était un obstacle impossible à surmonter, pour quelques autres, ça n’enlevait rien à leur envie de communiquer et ils trouvaient toujours des moyens détournés.
Une fois ou deux, nous avons senti que nous n’étions vraiment pas les bienvenus et d’autres fois, nous avons fait de belles rencontres. En cette saison, nous étions bien souvent les seuls clients du refuge.
Pas moins de trois invités nous ont rejoint pendant notre traversée de la Bulgarie.
Maya, franco-américaine, nous a retrouvé dès le premier jour et nous avons traversé ensemble les montagnes du Pirin. C’était la première fois qu’elle sollicitait aussi durement son genou après une lourde opération. Les immenses pierriers du Pirin n'étaient pas toujours idéaux mais elle s’en est tirée comme une cheffe. Sa deuxième inquiétude était sans doute de ne pas trouver beaucoup d'options véganes pour se nourrir en Bulgarie. Elle est donc arrivée avec pas mal de stocks de nourriture, ses petits déjeuners et pas mal de snacks, c’était top de partager ça avec elle. Et finalement, elle est repartie en pouvant quasiment faire une étude comparative des soupes de haricots bulgares.

Tom a quitté Paris pour venir traverser le Parc National de Rila avec nous. La météo capricieuse et difficile n’a pas réussi à faire disparaître sa bonne humeur. Il a enchanté cette semaine par sa spiritualité et son grand sourire, chaque pas le rapprochant un peu plus de son futur rôle de papa. Le petit Soan est arrivé début mars !

Enfin, Aleksandar a fait un long voyage depuis la Slovénie pour marcher 8 jours avec nous sur les derniers kilomètres de notre Kom Emine. Nous avons eu beaucoup plus de neige que prévu. Lorsque nous nous enfoncions jusqu’aux genoux, nous regrettions presque de lui avoir dit de ne pas prendre de raquettes et d’avoir laissé les nôtres dans la vallée. Avoir un Slovène qui parle Macédonien avec nous a réellement donné une autre dimension à nos contacts avec les Bulgares puisqu’ils parlaient des langues dans lesquelles ils arrivaient très bien à se comprendre.

Notre expérience du bivouac en Bulgarie
Nous avons pu camper sans aucun problème dans toute la Bulgarie. Comme il y a une réelle culture de la marche, de l’outdoor et de la montagne, les gens sont habitués à camper.

Territoires et nature en Bulgarie
Les pierres du Pirin
Le Pirin est un massif relativement petit et compact, il ne s'étend pas sur une très grande superficie, il est également connu pour être très riche en eau, en nombreuses rivières et pas moins de 186 lacs. Le parc national a été créé en 1962, il protège la plus grande forêt bulgare de pins bosniaques, de pins macédoniens et de genévriers. Il a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1983.
Merci Wikipédia 🤓 mais quelle a été notre expérience de cette section?
Une partie beaucoup très rocheuse, également assez élevée, des nuits très très froides et humides alors que les journées étaient anormalement chaudes. Nous avons fini par regretter d'avoir notre équipement mi-saison pendant la journée, nous avions trop chaud dans nos chaussures, les crampons n'étaient absolument pas nécessaires, mais la nuit nous rêvions de nos sacs de couchage les plus chauds.
Pas facile de s’équiper pour la mi-saison sans se faire envoyer des colis chaque semaine. C'est sûrement la saison où la gestion de notre logistique est la plus compliquée!
Rila dans le brouillard
Pendant trois jours, nous n’avons presque rien vu du parc national de Rila. Quelle tristesse ! Heureusement, les nombreux refuges et bivouacs nous ont permis de passer nos nuits au sec et un peu plus au chaud. Du grand refuge plein de randonneurs jusqu’à la petite cabane sans même un poêle à bois, nous avons eu de tout.
Nous sommes arrivés aux Sept Lacs de Rila, sans doute l'endroit le plus touristique du sud de la Bulgarie ! Sept lacs dans un immense cirque montagneux que nous avons découvert petit à petit. La plupart des visiteurs arrivent par le bas, par le télésiège et seulement quelques courageux s'offrent la vue que nous avons eue en arrivant par en haut, par les crêtes.
Plusieurs fois pendant notre traversée du parc de Rila, nous avons entendu que cette montagne était sacrée, chargée en énergie. Qu'on y croit ou pas, c'est un endroit à part et magnifique.

La légende de Belogradchik
Belogradchik se classe sans conteste dans le top 5 des plus beaux endroits découverts pendant cette traversée de l’Europe.
Comment cet endroit n'est-il pas plus célèbre en dehors de la Bulgarie ?!
C'est encore un mystère pour nous…
Belogradchik est la raison pour laquelle nous avons quitté la Serbie à ce point précis. On a vu des photos de l'endroit et on a décidé qu'on ne pouvait pas le manquer. Les pierres de grès, de calcaire et de conglomérat ont une forme particulière. La couleur des roches varie de l'ocre au jaune et certaines atteignent jusqu'à 200 mètres de hauteur !
Belogradchik est aussi connu pour sa forteresse. Elle a été construite à l'origine pendant la période romaine puis modifiée plusieurs fois pendant son histoire.
Laissez-nous vous raconter la légende des pierres de Belogradchik...
Chaque pierre ici est chargée de légende, de souffrance et d'héroïsme qui explique l'incroyable beauté de cet endroit.
Il y a des siècles, entre les rochers se trouvait un couvent. La plus jeune des nonnes - Vitinia - ne pouvait pas cacher sous sa soutane son incroyable beauté. La rumeur de sa beauté s'est propagée partout dans l'empire romain.
Un jour, le jour de Pierre, quand le monastère pouvait être visité, Vitinia a rencontré Antonio.
Ils ont caché leur amour aux nonnes longtemps mais après un an, le fruit de leur amour a vu le jour. La voix d'enfant a rempli le monastère de pleurs.
Vitinia a dû faire face à la stricte loi des nonnes. Elles ont décidé de la maudire et de l'expulser du monastère avec son enfant.
A ce moment, de la colline est venu Antonio sur son cheval blanc. Il a supplié les nonnes de ne pas la punir.
Soudain, une tempête a éclaté, un coup de tonnerre et la terre a tremblé. Le monastère s'est effondré en ruines et tout a été transformé en pierre - les nonnes, Antonio, même Vitinia qui s'est transformé en Madonne avec son enfant.
Même si nous ne sommes pas superstitieux ni religieux, nous aimons ces vieilles histoires qui donnent un charme onirique à chaque endroit.

Là-haut sur le Botev
Le point culminant de la chaîne de montagnes du Grand Balkan : le Botev à 2376 m ! De là-haut, nous avons réalisé que nous nous trouvions sur la dernière section au-delà de 2000 m d’altitude de cette expédition. Les derniers paysages lunaires, les derniers vents glaciaux...
Impossible de traverser ce lieu sans penser à tous les sommets que nous avons parcourus ces 2 dernières années. Nous n'en avions pas encore fini avec la neige, mais sûrement le plus dur est maintenant derrière nous.

Environnement
Y a plus de saison ! Là-haut, les températures et encore plus les températures ressenties à cause du vent, ont été un challenge. On atteignait régulièrement -15 voire -20°C. Ajoutez à cela un vent glacial chargé de particules de glace qui vient vous fouetter le visage et vous aurez un aperçu de ce qu’ont été les premières semaines de 2020 pour nous. A l’inverse, fin décembre nous nous sommes fait surprendre par des températures anormalement élevées pour la saison. Déjà équipés de notre chaud matériel d’hiver, nous nous sommes retrouvés à devoir marcher en slip pour ne pas atteindre la surchauffe !

Rencontre avec les Bulgares
Au premier abord les Bulgares nous ont semblé froids, un peu durs et pas très ouverts à la rencontre. Finalement, en s’appliquant un peu, on a réussi à les dérider et avons noué des contacts très chouettes.
Notre rencontre la plus marquante
Petar : Au milieu de notre traversée du Kom Emine, nous avons reçu une invitation qui s’est présentée comme la parfaite excuse pour couper en deux notre aventure sur les froides hauteurs du Grand Balkan.
Au début du voyage, nous avions cherché à entrer en contact avec des habitants des pays que nous allions traverser. Des gens de notre tranche d’âge qui aiment la marche.
C’est comme cela que nous avions rencontré Petar sur Instagram. Presque 2 ans plus tard, nous voilà dans son pays !
Nous nous sommes finalement rencontré physiquement lors de notre passage à Sofia où nous avons passé pas mal de temps ensemble.
Début décembre, Petar nous a dit : “Je sais ce que c’est d’être loin de chez soi alors je vous propose de venir passer Noël en famille, chez mes parents à Ruse”.
Vous imaginez que l’émotion était à son comble quand on a accepté ! Nous avons vécu un Noël inoubliable, traditionnel et chaleureux, nous faisant oublier l’espace d’une soirée que nous étions loin de nos proches depuis si longtemps.

Culture en Bulgarie
Côté alphabet, on n’a pas été vraiment plus gâtés qu’en Grèce. Le cyrillique, ce n’est pas vraiment automatique ! En revanche, sur la langue, on a réellement pu tirer profit de nos connaissances en serbo-croate puisque les langues sont très proches. Ça a été un vrai plaisir de ne pas avoir à repartir totalement de zéro pour une fois.
Est-ce qu’on marcherait 500 km de plus ici ?
Oh que oui ! Il y a encore quelques rares montagnes que nous n’avons pas escaladées en Bulgarie et pourquoi ne pas revenir voir à quoi ressemble le pays sans neige ?
Nous voilà aux portes de la Turquie. Nous sommes évidemment très émus puisque cette frontière sera la dernière de cette aventure. Nous avons mis 2 ans à atteindre la Turquie, inutile de vous dire à quel point nous sommes impatients de découvrir ce qu’elle a à offrir !
Anecdote sur notre traversée de la Bulgarie
Buzludzha, c’est un centre de conférence construit par le parti communiste bulgare en 1981 et abandonné 8 ans plus tard avec la chute du régime.
Aujourd'hui, aucune des institutions publiques ne prend l'initiative de conserver et de rénover ce monument historique, lié à la douloureuse histoire politique du pays.
En 2011, le gouvernement bulgare a transféré la propriété du monument au Parti socialiste bulgare, mais le parti lui-même ne prend aucune mesure pour conserver son symbole le plus important.
C'est la raison pour laquelle cet endroit est aujourd'hui un des sites d'urbex les plus célèbres d'Europe.
Aujourd'hui, chaque entrée a été murée et il n'y a aucun moyen d'entrer, il y a même un flic qui garde l'endroit toute la journée.
On a été d'autant plus déçus de le découvrir quand notre drone s'est coincé sur le rebord d'une fenêtre après qu'un bloc de neige lui soit tombé dessus...
On demande au policier, il dit qu'il y a probablement une clé quelque part dans l'une des villes de la vallée, il passe quelques appels et dit qu'il faut attendre.
On attend. On attend des heures et on sent qu'il ne fait pas beaucoup d'efforts pour régler la situation.
C'est notre deuxième journée avec Aleks et on ne veut pas perdre trop de temps sur notre planning. On commence à appeler tous les gens qu'on connaît en Bulgarie pour essayer de le convaincre que nous sommes des gens responsables, que nous voulons juste récupérer notre matériel.
On prend même contact avec le Ministère du Tourisme. Aleks appelle sa cousine qui sort avec un Bulgare. Sa ville natale se trouve être la ville où la clé est censée être ! Il appelle le chef de police locale qui appelle ensuite le flic devant nous pour lui dire qu'il peut nous laisser entrer.
La clé était dans sa poche tout ce temps !
De 9 h à 16 h, nous avons essayé de localiser cette clé qui était juste là ! Quoi qu'il en soit, on a la clé, on peut entrer dans ce bâtiment !
Woops, la serrure est trop rouillée et la clé n'aidera pas. Nil court pendant des kilomètres pour trouver du WD40, il en trouve...
Mais ça ne marche pas.
Ok alors, il faut détordre les barres de fer qui bloquent la porte et nous y voilà !!! Il trouve le drone, parvient à prendre quelques photos et se précipite dehors !
Préparation et organisation pour randonner en Bulgarie
Quand y aller ?
Nous y étions en hiver et avons adoré notre expérience en montagne. Attention, vivre dehors par -20°, ce n’est pas pour tout le monde.
Je pense que toutes les saisons doivent être géniales, évidemment randonner sous la pluie c’est pas ouf, donc évitez peut-être les mois les plus humides.
Où dormir ?
Sous la tente, en refuge, chez l’habitant, dans des auberges, le plus dur va être de choisir !
Quel matériel ?
Pour cette traversée de la Bulgarie en randonnée en hiver, nous sommes partis avec des vêtements d’hiver, du matériel de randonnée et de bivouac et l’équipement de sécurité en montagne.
Le bivouac est-il autorisé en Bulgarie ?
Le bivouac est autorisé en Bulgarie, théoriquement entre le coucher et le lever du soleil, il est très bien accepté dans toutes les régions montagneuses.
Y a-t-il des espaces protégés
L’itinéraire de notre randonnée en Bulgarie passe par plusieurs zones protégées :
- Parc national du Pirin
- Parc national de Rila
- Réserve naturelle de Tsarichina
- Réserve naturelle de Kozia Stena
- Réserve naturelle de Steneto
- Parc national du Balkan Central
- Réserve naturelle de Severen Dzhendem
Les chiens sont-ils autorisés ?
Cette traversée de la Bulgarie en randonnée peut être théoriquement réalisée avec un chien. En hiver, ça risque quand même d’être très compliqué, sauf si vous lui trouvez des petites raquettes.